• Saint Thomas d'Aquin : tristesse

    Saint Thomas d'Aquin : tristesse  

    Saint Thomas d’Aquin

     Elle influence notre façon d'être @attia_salome                                                                                                                            La Lombardie appelle aux secours @Salomeattia21

     

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    Tristesse et douleur sont des passions de la vie sensible. C’est ce qu’explique le docteur Christophe André, auteur et psychiatre à Paris, en se basant essentiellement sur les travaux de Saint Thomas d’Aquin (1224/1225-1274), que j’ai tenté de retranscrire.

     

     

    La tristesse, qui est la fin de l’acte de la psychologie, arrive lorsque le bien n’a pas été atteint, lorsque le mal qui a empêché l’accès à ce bien est réellement présent.

    Donc, à ce moment-là, toute l’activité qui tendait vers le bien s’achève dans la tristesse, parce que le bien n’a pas pu être conquis. Alors, lorsqu’elle éprouve de la tristesse, l’âme sensible est dans la passion par excellence. Elle subit. Toute son action portée par l’amour consistait à éviter justement que ce mal triomphe et à conquérir le bien. La chose ayant échouée, cela s’achève dans la tristesse. Il faut donc remarqué que l’objet de la tristesse est le mal présent et que le mal est en réalité la privation d’un bien. Ce mal n’est donc présent que par opposition, car il a privé de l’obtention d’un bien qui était visé. Cependant, psychologiquement, le mal présent est perçu comme une réalité alors qu’en réalité, il est une privation de réalité. Le mal (la tristesse) n’est provoqué que par un bien (un amour), ce qui veut dire que le mal ne s’étudie pas profondément mais que, du point de vue psychologique, on a l’impression de l’inverse : le mal s’étudie profondément parce qu’il est fondé sur un bien et que l’on tend vers ce bien par un amour. 

     

    La notion de douleur, de tristesse est une notion analogique. Il faudrait, en réalité, poser des dizaines de nuances de la tristesse et de la douleur. Habituellement, on garde le mot « douleur » pour tout ce qui est un mal perçu par les sens externes, en particulier par le toucher (ex : brûlure) et par la vue (ex : éblouissement). La douleur est donc un domaine physique. On réserve le mot de « tristesse » pour tout le domaine de ce qui est interne, de la perception interne (aussi bien la mémoire, que l’imagination, l’estimative et les facultés spirituelles). Les passions sont certes l’acte de notre faculté (à savoir le concupiscible), mais l’acte lui-même n’est actué que par un objet de bien (amour) ou de mal (tristesse) qui les actue et qui joue le rôle, en métaphysique, d’énergie, d’energeia (« qui est en plein travail ») ; la passion elle-même étant une sorte d’entéléchie, de mise en action de notre faculté interne, car, en elle-même, notre faculté interne ne se met pas toute seule en action. Il faut toujours qu’un bien ou un mal lui soit présenté par les sens externes ou par les sens internes. Et donc, si on analyse les choses par leur objet, on trouvera comme toujours lorsque l’on considère la vie pratique de l’Homme, que l’on peut naturellement considérer qu’il y a deux grands genres de tristesse-douleur qui se prennent du côté du corps et deux grands genres de tristesse-douleur qui se prennent du côté de l’esprit. Du côté du corps, lorsque cela touche uniquement les sens externes (donc l’aspect physique), on parlera de « douleur ». Et la douleur peut exister sans qu’il y ait tristesse (ex : une douleur à la dent n’empêche pas la joie). Lorsque les sens internes (donc, le domaine sensible pour lui-même) sont touchés par un mal, on parlera alors plutôt de « tristesse » sans affecter le physique (ex : un morceau de gâteau que l’on avait mis de côté pour soi et qui a été mangé). Cette tristesse sensible est moins douloureuse que si le bien nous avait paru plus important. 

     

    Le mot « tristesse » peut aussi être employé pour le domaine de la vie spirituelle. On voit alors apparaître deux grands domaines. Il y a le domaine de tout ce qui nous est naturel (ex : l’art, la morale, la politique, les activités intellectuelles diverses). Dans ce domaine-là, lorsque l’on atteint pas l’objet que l’on recherche, et bien on peut éprouver une déception : une tristesse d’ordre spirituel. Elle n’est pas forcément ressentie, mais, en général, comme le spirituel se répercute sur le passionnel, il y a, en même temps, un fort sentiment psychologique (ex : un ami qui a trahi notre confiance). C’est de la tristesse intellectuelle.

    Le quatrième genre de la tristesse, c’est lorsque cela prend cette partie particulière de l’esprit qui est beaucoup plus profonde que le reste et qui ne se contente pas des sciences et des autres activités morales, mais qui cherche carrément le sens ultime à tout : c’est le domaine de la sagesse. C’est ce domaine qui fait répondre aux questions fondamentales de la vie : radicalement « d’où est-ce que je viens ? », « qui suis-je ? », « est-ce que ma vie à un sens ? » Donc, par son origine, est-ce que ma vie à un sens ? De quel produit suis-je issu, où est-ce que je vais ? Il y a là aussi le domaine des tristesses les plus profondes. À ce niveau-là, un Homme qui, profondément, pense que la vie n’a pas de sens, qu’elle est vaine, est profondément atteint par une tristesse qui a le pouvoir de ronger tout le reste de sa vie. Et s’il est assez superficiel pour arriver à chasser cette pensée et à arriver à vivre au jour le jour, sans penser à rien, sans penser à la mort, alors cet Homme peut vivre. Mais les personnes les plus profondes, les plus mystiques, sont quelques fois rongées par cette tristesse d’ordre métaphysique au point qu’elles ne peuvent plus vivre, elles n’y arrivent plus, toute leur vie perd son sens. C’est, notamment, ainsi que l’athéisme, pour celui qui ne croit pas en Dieu, est source de tristesse parfois profonde ; de même que la certitude d’être damné, pour le croyant, est source de tristesse, voire de désespoir, le désespoir étant une passion beaucoup plus profonde encore que la tristesse. Il faut donc bien gardé en tête ces quatre analogués de la tristesse et de la douleur. Il faut bien comprendre que, puisque les douleurs et les tristesses peuvent avoir des motifs différents, il est évident que, sous un rapport, on peut être dans la joie et sous un autre rapport, être dans la tristesse profonde. Il faut aussi se rendre compte la douleur physique est finalement, puisqu’elle touche le moins notre être profond, la moins douloureuse. Alors que la douleur psychique, celle qui touche nos passions, est plus douloureuse qu’elle, parce qu’elle touche nos sens intérieurs : il peut y avoir un état, vraiment, de malaise. On est mal dans sa peau, on n’est pas sécurisé, on n’est pas valorisé, on n’est pas autonome. Ceci, le psychologue Jean William Fritz Piaget (1896-1980) l’avait bien décrit. La douleur spirituelle, qui n’est pas forcément ressentie mais qui est comprise (ex : la déception d’un ami qui est un traître), est en réalité beaucoup plus douloureuse. Et lorsque que ce bien spirituel était le seul que l’on avait, il peut conduire au désespoir spirituel (ex : un partenaire qui est trahi par sa moitié alors qu’il a avait mis tout son espoir et son amour en elle, peut effectivement être mené à davantage que la tristesse). Cela veut dire que la passion de l’irascible désespoir accompagne la passion de la concupiscible tristesse. Et là, ce sont des états terribles qui peuvent donner des idées de mort.

     

    La tristesse et la douleur les plus profondes sont d’ordre mystique. Cela ne paraît pas comme cela, parce que, souvent, les gens s’étourdissent. Mais en réalité, lorsque la vie profonde ne paraît ne plus avoir de sens, quand on n’y arrive plus, quand c’est trop dure, quand cela nous demande encore trop d’efforts, cette douleur spirituelle d’ordre mystique peut détruire la capacité même, l’envie même de se secouer, de vivre, d’agir encore. Dans ce cas même, on peut être dans la douleur objective et être dans la joie à d’autres niveaux. Mais ce n’est pas assez, car il n’y a effectivement pas plus grande douleur que la douleur-tristesse. Il n’y a pas plus grande douleur que la douleur d’ordre mystique, lorsque l’on a perdu ce qui fait le sens de sa vie. De cette remarque, on peut donc conclure que la douleur et la tristesse sont bien contraires au plaisir et à la joie car ce sont des passions qui s’inversent mais elles sont contraires niveau contre niveau en ce sens qu’une grande douleur physique et psychique s’oppose à la joie d’être bien dans son corps, au plaisir d’être bien dans son corps. Par contre, une douleur physique seule peut ne pas s’opposer à la joie spirituelle parce que ce n’est pas au même niveau. De même, on peut être dans la douleur spirituelle profonde mais, physiquement, le corps se porte bien. Mais comme cette douleur est profonde, on ne se rend même plus compte que le corps est très bien : on pense alors à l’anorexie mentale… au suicide aussi. Autant de souffrances d’ordre intérieur. 

     

    Le troisième type de douleur spirituelle, qui n’exclue pas les autres (on peut être atteint de plusieurs douleurs et tristesses psychiques), c’est la miséricorde, dans son sens premier : celui qui, par exemple, aura expérimenté lui-même le pêché sera davantage porté à la miséricorde, au pardon. De même que celui qui a été pauvre comprendra ce que vit le pauvre. Mais cette tristesse particulière est particulièrement visible lorsqu’il y a amour d’une personne : c’est l’amour d’une personne qui fait que l’on comprend tout d’elle, que l’on ne la condamne pas, on est plein de bonté envers elle et de compréhension, on va vers elle. Certaines mamans, par exemple, le montrent particulièrement par rapport à leurs enfants. Elles sont prêtes à leur passer et à leur communiquer beaucoup de choses, avec comme complémentarité, des règles, car une éducation qui serait que dans la miséricorde ne structure pas un enfant parce qu’elle ne suffit pas, et à l’inverse, trop stricte, trop juste, trop dans l’effort, détruit et écrase son enfant. 

     

    Le quatrième exemple de tristesse d’ordre spirituelle qui vient de la contemplation d’un objet, d’un bien, c’est l’envie. L’envie, c’est la tristesse du bien d’autrui. On est triste parce qu’un autre possède un bien que nous n’avons pas : cela peut être une qualité spirituelle, de l’argent, une propriété… L’envie ronge. L’envie, lorsqu’elle est simplement une passion, est d’ordre du mouvement vital dans la nature (chez les animaux, donc chez nous aussi, où toute espèce, surtout les mâles, espère être la première pour assurer sa reproduction et perpétrer l’existence de sa propre espèce) et d’ordre spirituelle où elle est d’ordre du péché (commettre une faute) au sens premier du terme car la tristesse peut effectivement devenir un acte moral déviant. Quelles sont les causes de la tristesse et de la douleur ? La tristesse a-t-elle davantage pour cause la présence d’un mal ou bien la perte d’un bien que ce mal empêche de conquérir ? Puisque la tristesse est un acte de connaissance (elle est liée à une connaissance), c’est donc un acte de la psychologie. Pour elle, ce qui compte, ce n’est pas l’analyse philosophique des termes, mais ce qu’elle ressent. Donc, dans un acte de connaissance, la tristesse présente et ressent le mal comme une réalité objective que l’on peut visualiser et que l’on peut parfois montrer du doigt (ex : l’ennemi qui va détruire notre carrière). Cet ennemie, qui nous menace ou qui nous a déjà persécuté, est, en tant que tel, une personne. Il est un bien. Se comprend comme concret l’acte obsessionnel par lequel il nuit à notre santé mentale. On prend donc cet acte comme une réalité. Mais en réalité, ce qui nous attriste, c’est le danger d’un bien, à savoir, par exemple, notre carrière. C’est donc la perte possible d’un bien qui nous rend triste. 

     

    Il faut donc toujours avoir en tête ces deux niveaux, ces deux approches : l’approche phénoménologique que l’on ressent et qui prend le mal comme une réalité et l’analyse, par les causes, qui se rend compte que le mal est plutôt une privation du bien et ne se comprend donc que par le bien qui est perdu. Il ne faut pas opposer ces deux approches. L’un est du domaine de la psychologie, l’autre du domaine de la philosophie du vivant. Et justement, dans une analyse philosophique, on pourra dire que la tristesse et la douleur sont toujours provoquées par un amour, que ce soit un amour de convoitise (donc, passionnel, qui veut s’accaparer un bien pour soi) et/ou un amour spirituel (qui veut donc se porter vers une personne et lui vouloir son bien). C’est d’ailleurs, il faut le dire, une des vérités du bouddhisme : une des grandes vérités du bouddhisme consiste à analyser toutes les douleurs et toutes les tristesses qu’il y a en nous en disant qu’elles viennent du fait que nous avons des désirs, et donc des amours. Et le bouddhisme, comme sagesse, puisqu’il ne croit pas en un être premier ou en la survie des personnes, consiste à apprendre aux hommes à se débarrasser des désirs pour devenir, dans le grand tout de l’univers, ce qu’il est en vérité, à savoir un être qui fait partie du grand tout et non une substance individuelle source de désir.

     

    Effectivement, lorsque tous les désirs disparaissent, y compris les désirs spirituels, lorsque la contemplation consiste à ne rien contempler et que l’on s’y est entraîné, il peut y avoir une paix totale. Mais ce n’est pas une paix atteignant un objet. Cela n’a rien à voir avec le monde occidental qui, lui, au contraire, croit en la permanence des personnes et qui pense que la paix sera obtenue par l’acquisition du bien qui correspond à cette personne ; le bien ultime étant la vision béatifique donc, la vision de l’être premier et puis, le fait de retrouver ses amis dans un monde réel où sont présent arbres… fleurs, qui correspond à notre sensibilité. Or, dans le monde bouddhiste, l’analyse conduit à autre chose : elle ne donne pas l’espérance d’une réalité qui correspond au désir de l’âme, mais elle apprend à ses adeptes à se débarrasser des désirs pour obtenir la paix intérieur totale par l’extinction de la douleur donc, des désirs.

     

    Autre façon également d’aborder la cause de la douleur, c’est que la douleur vient du désir de l’unité avec le bien que l’on convoite, que l’on désir ou que l’on veut atteindre. Tous les mouvements animaux et tous les mouvements spirituels chez l’être humain tendent à l’unité avec un bien qui est présenté à la connaissance. Les animaux, par exemple, s’ils veulent s’assimiler de la nourriture, c’est en vue d’obtenir l’unité, la paix intérieure de leur être qui est affamé. Lorsqu’ils se battent pour conquérir une femelle, c’est qu’ils tendent à la réalisation, à l’unité avec un bien qui leur apparaît essentiel : la survie de l’espèce, la nature reproduction. Pour eux, concrètement, cela se traduit par la conquête d’une femelle, l’union sexuelle à une femelle. Mais, de toute façon, il y a une recherche d’unité radicale avec un bien qui est sous-jacent à cela. C’est-à-dire que cette considération peut se résoudre, finalement, en un seul mot : tout être vivant conscient, sans exception, est programmé par sa nature à chercher le bonheur. Donc, un bien-être. Et il veut s’unir à ce bonheur qui est parfois réalisé à travers quelques chose qui est concret et parfois à travers quelque chose d’imaginaire ou, pour l’Homme, de spirituel donc, d’ordre de l’esprit.

     

    Quels sont les effets de la douleur et de la tristesse ? Le premier effet que l’on constate et qui est visible pour tous les niveaux de douleur, c’est que la douleur affaiblit l’activité. C’est comme si l’activité, qui est motivée par l’acquisition d’un bien, la présence de la tristesse et de la douleur que ce bien est perdu, empêche toute activité vitale. Elle stérilise l’envie-même d’agir. C’est logique, puisque l’action, comme je l’ai précédemment expliqué, venait de l’amour alors si cet amour est impossible, l’action disparaît aussitôt. Cela veut dire que la tristesse et la douleur abîment l’action de deux manières : d’abord, comme je l’ai dit, en privant de l’objet qui motive l’action, mais aussi en affaiblissant, par son énergie, l’activité elle-même. Il faut comprendre par là que l’on n’a plus de motivation. La tristesse peut tellement absorber notre énergie que l’on n’a plus envie de rien faire, même dans les domaines où elle n’est pas directement mise en jeu. Prenons pour exemple la dépression mystique : un homme qui est triste parce qu’il ne sait pas ou ne sait plus à quoi sert sa vie et qui, pourtant à côté de cela mène une vie où il est entouré de personnes qui l’aiment, et bien il perd son énergie, il n’est plus pleinement présent. La tristesse ne porte pas sur ces personnes, elle porte sur autre chose, mais la tristesse a la capacité d’affaiblir la motivation pour tout. Et c’est principalement le cas pour les tristesses d’ordre spirituel. Plus la tristesse est spirituelle, plus elle a cette propriété. La douleur physique aussi peut le faire : quand, par exemple, on a un rage de dent, il est évident que l’on ne peut, par exemple, pas donner cours parce que l’énergie est comme pompée par cette douleur. Cependant, c’est encore plus vrai pour les douleurs spirituelles.

     

    Alors, si la tristesse et la douleur, cette double souffrance qui apparaît quand l’objet qui motivait l’action a été privé et qui fait diminuer toutes les activités humaines, c’est particulièrement vrai pour les douleurs affectives et intellectuelles. Donc, pour la vie morale, mais aussi pour la vie de la recherche de la vérité. C’est l’une des plus grandes tortures. C’est vrai aussi pour la vie politique : un homme politique qui n’a plus de force d’agir, qui est pris par une tristesse qui l’abîme, qui l’empêche d’agir, peut se décourager de l’effort de faire de la politique.

    Ce qui est vrai pour l’esprit, peut aussi être décrit pour le corps. Il y a, dans une tristesse extrême, une somatisation qui s’opère, que Saint Thomas d’Equin décrit explicitement dans ses traités. Comme quoi, nous n’avons rien inventé en psychologie, mais on le constatait seulement à l’époque.

     

    Une tristesse peut s’automatiser de plusieurs manières selon les personnes : chez certaines personnes, cela va plutôt atteindre leur estomac, chez d’autres leur intestin, chez d’autres cela fait apparaître des boutons… L’essentiel, c’est que cela a un effet destructeur qui se répercute dans tout l’être, physiquement et psychologiquement. Donc, pas seulement l’esprit, mais aussi le corps. Nous avons vu parfois de grandes tristesses qui déclenchaient, de manière mystérieuse, quelques semaines plus tard, l’apparition d’une maladie, d’un cancer. On en cite, par exemple, des cas lors des séparation ou des divorces (donc, après un grand choc affectif) dans les couples qui étaient heureux encore très peu de temps avant la fin : cancer hormono dépendant, cancer du sein, cancer de l’utérus chez les femmes. Alors, quand on est confronté à une personne qui est par la tristesse, on ne l’ignore pas, on ne prend pas les choses à la légère, on essaye évidemment de lui apporter un remède.  Pour cela, je pense qu’il faut deux étapes : il faut, premièrement, bien comprendre sur quoi porte la tristesse (rappelez-vous, il y a plusieurs tristesses et la personne peut en être atteint par plusieurs). Je veux dire par là que, même si la compassion (le fait d’entourer la personne triste donc, la personne malheureuse dans sa chair, dans sa peau, dans son être-même) est en général ce qui amoindri la tristesse, cela n’empêche pas de chercher la cause. Il y a donc une efficacité, il y a des remèdes à la tristesse qui doivent être adaptés aux quatre types de tristesse que j’ai abordé. Et naturellement, quand les quatre sont présents, ou ne serait-ce que deux, chez la personne triste, les remèdes doivent être à la fois doux et puissants et être donné et prit sur un temps qui est, proportionnellement à la blessure, extrêmement long. Ne soyez donc pas brusques et impatients envers le malheureux et l’écouter, car il n’y a que lui connaît, qui ressent, qui peut désirer parfaitement sa douleur, ses douleurs.

     

    Par exemple, si la tristesse d’une personne vient d’une douleur physique, et bien, parfois, il vaut mieux s’éloigner et ne pas tout le temps être sur elle et la rassurer, parce qu’elle a besoin de repos, grâce au recours des médicaments, des bains… les choses comme cela peuvent amoindrir cette douleur physique et indiquent que la douleur est purement d’ordre des sens extérieurs liés à la maladie. On applique donc un remède qui est directement en rapport avec ces sens extérieurs. Cela ne veut pas dire qu’il faut couper le contact et qu’il ne faut jamais aller voir une personne malade qui souffre physiquement. Non. Or, c’est ce que font certaines personnes en pensant la fatiguer, la déranger. Mais en réalité, il suffit de passer quelques minutes par jour, parce qu’une personne est unifiée. Une douleur physique qui se prolonge provoque des passions donc, de la tristesse psychologique et, quelques fois, lorsque l’on est délicat et que l’on ne va pas voir un malade, ce dernier le prend en fait comme une trahison, comme un abandon. Cela augmente donc sa douleur.

    Lorsque la tristesse est d’ordre psychologique (c’est-à-dire que lorsqu’elle est liée à une psychologie qui va mal sans qu’il y aient d’autres causes à part cela), tels que les malaises intérieurs qui viennent de la petite enfance (ex : un manque d’amour que l’on a jamais digéré, consciemment ou inconsciemment ; un excès d’autorité) faisant qu’actuellement ou depuis longtemps on ne se sent pas en sécurité, on ne se sent pas autonome, on ne se sent pas valorisé. Il y a un mal-être profond. Et bien, c’est ce que l’on voit parfois chez les adolescents, car c’est généralement à cette période que l’on prend conscience de sa tristesse ou que le subconscient se réveille, et évidemment, cette tristesse qui est en réalité un mal-être profond peut passer avec le temps lorsque la psychologie se met en place. Il y a donc bien là un remède de l’amitié (familiale ou purement amicale ou celle d’un professionnel de santé) qui explique ces mécanismes et qui, en général, ne se trompent pas.

     

    Mais lorsque le phénomène est plus profond encore, il peut y avoir véritablement besoin du recours à un psychologue, voire à un psychiatre qui va analyser avec la personne qui est triste ce qui se passe en elle, à l’intérieur véritablement. Là aussi, c’est douloureux, pénible et doit s’inscrire dans un temps qui est long. La cause dans sa petite enfance, puisque je parle en l’occurence de cela. Lorsque l’on est jeune, il peut y avoir, comme remède à cette tristesse, une prise en main de soi-même par sa liberté, par sa vie spirituelle. Et la psychologie humaine étant souple, elle peut plus facilement se rééquilibrer quand on est âgé par des efforts volontaires. Mais il y a aussi des béquilles : par exemple, n’importe quel plaisir (modéré, évidemment), en distrayant de la tristesse et de la douleur (attention, seulement si celle-ci n’est pas chronique, autrement c’est plus compliqué encore), peut aider à ce que l’on aille mieux. Par exemple, si un jeune a eu un échec à un examen, il est évident que, le temps qu’il digère cet échec, il peut être bon pour lui de regarder un bon film, de voir ses amis…enfin, d’avoir ses plaisirs qui détournent son intelligence de la considération de cette tristesse. Mais, lorsque la tristesse est chronique, notamment liée à la petite enfance mais pas seulement, il faut beaucoup plus, bien plus que cela. Alors, le psychologue de même que le psychiatre et un psychanalyste (psychologue spécialisé pour analyser l’enfance) peuvent intervenir, doivent intervenir.

     

    Lorsque la tristesse et la douleur sont spirituelles, si elle est par exemple liée à la trahison d’un ami, à la rupture d’un couple (donc, pour le couple, comme il y a davantage que le spirituel puisqu’il y a vie commune, cela prend aussi la sensibilité et cela déchire aussi quelque chose sur le plan corporel puisqu’il y avait union physique avec cette personne qui n’était pas n’importe qui), dans ce cas-là, tous les remèdes sont bons : évidemment, l’amitié qui consiste parfois à laisser la personne parler, parler, parler, pleurer, pleurer, pleurer, qui vide son sac, et qui doit n’a pas besoin de faire grand chose plus qu’être présent au bon moment, parce que l’énergie sensible, l’énergie qui part, peut atténuer l’énergie spirituelle lorsqu’il y a trahison et/ou abandon.

    C’est d’ailleurs dans ces moments-là que l’amitié s’exerce le mieux. Parce que même si ce sont des moments pénibles, la personne triste se souviendra que l’mai était présent. Et évidemment, l’absence de l’ami dans ses moments de douleur peut être aussi quelque chose qui mine à jamais la personne triste. C’est pourtant une expérience que font beaucoup les gens qui ont des échecs : ils se rendent compte que dans l’échec, attaqués comme ils peuvent l’être, ils comptent souvent leurs amis sur les doigts d’une main et certains n’en ont pas. Ce sont les plus malheureux encore. Alors, parfois, certains amis ne sont plus là parce qu’ils n’osent pas en se disant qu’il va gêner et passez pour un curieux. Or, ce n’est pas à cela que pense la personne triste, ce n’est pas cela que ressent la personne qui est dans la douleur. Elle ressent au contraire l’abscence comme un abandon.

     

    Lorsque que la cause de la tristesse et de la douleur est d’ordre mystique au sens même de la vie, lorsque par ailleurs la personne va bien (que sa santé est bonne, que sa psychologie est équilibrée, que son entourage est présent et l’aime) mais qu’elle va mal, on trouvera souvent que la cause de la douleur est d’ordre mystique en ce sens que cette personne triste, qui souffre, ne sait pas ce qu’elle fait sur Terre. Et bien là, le remède ne sera pas directement l’amitié (l’amitié est plutôt une béquille, sauf dans le cas d’une rupture où l’amour guérit l’amour)), car tout le reste, y compris se donner du plaisir (manger une pizza, du chocolat, aller au cinéma…), ne peut être que des béquilles, pas des remèdes. Le seul remède, parce qu’il correspond à la cause qui est atteinte, c’est évidemment un remède mystique, une paix intérieure. Et cela, Saint Thomas d’Aquin dans une de ses questions : la contemplation de la vérité (la recherche du sens de sa vie et de ses origines). Donc, quand la tristesse est due à quelques chose de plus profond : c’est la recherche de la sagesse (d’où je viens et où je vais ?). La réponde rationnelle sera efficace chez un Homme rationnel, un Homme intellectuel, à condition qu’on lui fournissent les informations qui sont, pour tout à chacun, essentielles dans notre vie.

     

    Enfin, est-ce que la tristesse et la douleur peuvent être morales ou peuvent être immorales ? Je dirais que la réponde à cette question se prend dans la réponse que j’avais faite lors de la question précédente par rapport aux plaisirs et aux amours. La moralité des plaisirs, la moralité des amours, se prennent de ce qui est le bien moral et de ce qui est le mal moral. Il faut comprendre par là que lorsqu’un Homme est triste parce qu’il tend vers un mal moral et qu’il l’a perdu, sa tristesse est, de toute façon, dans le cycle d’une activité morale qui est mauvaise : par exemple, si un Homme, dans sa finalité, a comme centre de sa vie le fait d’être le meilleur, d’être le plus célèbre, il finalise finalement sa vie par un bien qui ne peut pas combler l’esprit, car l’esprit n’est pas seulement fait pour briller. La gloire est en effet utile, mais comme moyen. Elle ne peut pas être la finalité d’une vie (à ne pas confondre avec l’abandon qui, réellement, est un problème). Et donc, si cet Homme est rongé par la tristesse qui s’appelle l’envie, la tristesse d’un autre Homme qui lui a des biens qu’il souhaiterait avoir, est immorale. Mais cette tristesse est immorale parce que le choix, la finalité de cet Homme, à l’instant où il est dans l’envie, est immorale en elle-même. Et, au contraire, l’émulation, c’est-à-dire le fait de regarder le bien que l’on n’a pas mais que possède autrui, d’en être triste mais de s’en servir pour progresser, peut être bonne au point de vue moral. Mais à condition, bien sûr, que le progrès que l’on vise soit de l’ordre du moyen et de non celui de la finalité ultime de sa vie.

     

    De la même façon, il pourra y avoir une envie qui est moral : si on triste du bien que possède un criminel qui réussit tout dans sa vie (qui obtient l’argent, le succès, la gloire, un très bon poste) et que cela nous rend triste, c’est une forme d’envie. Mais cette fois-ci, au regard de la finalité de sa vie, l’amour (le bien) qui nous motive est un amour honnête, car il n’est effectivement pas bien qu’un criminel, un homme pervers ait du succès. L’envie peut donc être moral de la même façon.

    De toute manière, les considérations doivent être abordées non pas en philosophie du vivant, mais plutôt en philosophie étique. Cependant, en donnant quelques indications comme cela, on comprend que ce qui rend l’acte bon, c’est la finalité qui est bonne. Et pour un humain, la finalité qui est bonne, c’est celle qui va combler les parties les plus grandes de son esprit et mettre à la juste place ce qui est de l’ordre du moyen. En étique, Aristote dit que la bonne finalité, c’est l’amour envers des personnes qui sont respectées comme telles et puis, la recherche de la sagesse, du sens de la vie, la contemplation de l’être premier. Évidemment, la recherche des honneurs, des plaisirs, des richesses, sont des choses bonnes, mais à condition qu’elles ne soient pas la finalité ultime de la vie mais qu’elles soient de l’ordre du moyen. Ceci étant posé, cette distinction entre finalité et moyen étant faite, et bien les tristesses qui interviennent dans tous les actes moraux s’analyseront en fonction de cela. Si la finalité est mauvaise, la tristesse qui l’accompagne peut être bonne ou mauvaise. Si la finalité est bonne, c’est le même genre d’analyse.

     

    Et il y a les tristesses et les joies du côté des moyens que l’on utilise et qui réussissent ou qui ne réussissent pas et qui trouvent leur caractère moral ou non d’abord de la finalité et aussi de l’honnêteté des moyens. Toute finalité ne permet pas d’utiliser tous les moyens. Alors, le mieux, c’est que je prenne des exemples concrets parce que la théorie est évidemment toujours store abstraite : un Homme, qui a pour finalité de sa vie de chercher la vérité (notamment à plusieurs niveaux), la finalité est bonne et lorsqu’il a de la joie parce qu’il a trouvé une conclusion, une réponse dans le domaine de la vérité, cette joie est bonne moralement et intellectuellement. Lorsqu’un Homme est en tristesse parce qu’il voit que quelqu’un d’autre à trouvé la vérité avant lui ou ne veut pas lui la dire, cet Homme a une deuxième finalité : la gloire, les honneurs. Et cette tristesse-là, qui est de l’ordre de l’envie, sera donc mauvaise, sauf s’il s’en rend compte et qu’il décide de s’en servir juste comme émulation en remettant cette tristesse, cette envie, à sa juste place au niveau des moyens. Du côté des moyens, si cet Homme décide de voler des livres dans une bibliothèque qui lui permettront de trouver la vérité, la finalité de son acte seulement est bonne (celle de chercher la vérité), mais les moyens qu’il a utilisé sont mauvais. Et donc, s’il se fait prendre et qu’il est triste de s’être fait prendre, et bien cette tristesse aura évidemment un caractère moral par rapport à l’action elle-même, par rapport au moyen : il a volé des livres, parce que l’argent était aussi une finalité de sa vie, et dans ce cas-là, le vol a une gravité morale profonde puisqu’il a une deuxième finalité qui est l’argent.

     

    Cet exemple montre bien qu’il y a des tristesse qui sont des biens honnêtes car elles n’ont pas été portées par la méchanceté, et des tristesses qui sont de l’ordre du mal moral. Cette tristesse-là augmente la malice de notre mal. De même, il y a des tristesses qui, sur le plan moral, peuvent être utiles car, si la tristesse s’avèrent, par accident (une mauvaise action commise par un être bon), motiver  noter action vers le bien, l’échec particulier (ex : le fait de voler des bien, de l’argent par exemple) qui a provoqué une tristesse permet de nous remettre en cause, de mieux agir la fois suivante. Ce sont des tristesses utiles. Mais le problème de la tristesse, c’est qu’elle doit toujours être dans un juste milieu. Il y a des tristesses ultimes qui touchent aussi au désespoir et qui brisent définitivement tout élan. On a vu que des personnes qui étaient atteintes de plusieurs types de tristesses, celles qui ont pu connaître des échecs affectifs et/ou des traumatismes, entre autres, ne s’en relevaient pas car, cette tristesse immense, a fini par les foudroyer.

     

    Elle influence notre façon d'être @attia_salome 

    La Lombardie appelle aux secours @Salomeattia21

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