• Comment combattre la bêtise ?

    Comment combattre la bêtise ?

    Portrait du philosophe et écrivain Bernard Stiegler • Crédits : Archives personnelles Bernard Stiegler

    COMMENT COMBATTRE LA BÊTISE ? 

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    Elle influence notre façon d'être @attia_salome                                                                                                                             La Lombardie appelle aux secours @Salomeattia21

     

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    Si on ne peut jamais vaincre la bêtise, on peut en revanche la combattre, comme le fait cet ouvrage Comment combattre la bêtise, paru en 2012. En établissant un bilan de la pensée post-structuraliste, Bernard Stiegler montre que celle-ci a renoncé à nuire à la bêtise, c'est-à-dire à la combattre. 

     

    C'est un livre important qui rassemble à la fois la réflexion que Bernard Stiegler rassemble depuis plusieurs années et un livre qui ouvre également sur une nouvelle question : celle qui est, pour lui, "la crise de la raison"

     

    Aujourd'hui, c'est vrai dans le sentiment dominant, que ce soit dans la crise économique et financière, dans la crise écologique ou dans la crise technologique, de toutes parts - sentiments vagues mais diffus -, les produits de la raison - en quelques sortes, les "enfants de la raison"-, se retournent, au nom d'une certaine rationalité, CONTRE la rationalité humaine, qui, selon Bernard Stiegler, ne serait plus qu'indexée aujourd'hui à la "performance" qui serait lui-même devenu le critère exclusif et qui menacerait notre civilisation assise sur la raison

     

    De manière très forte, Bernard Stiegler dit dans ce livre : "La raison est entrée en guerre contre elle-même. L'impression dominante est une déraison qui domine notre temps." En disant cela, il donne un thème qui avait été abordé mais abandonné depuis par l'École de Francfort - idée qui surgit au lendemain des désastres du vingtième siècle : l'État moderne, le Droit moderne... enfin, toute une série d'instruments produits de la raison s'étaient en quelque sorte retournés contre la Raison, car aujourd'hui, les ennemis de la Raison, ce ne sont plus les passions ou l'irrationalité, mais la raison elle-même qui, sous le titre de la rationalisation de l'existence, est devenue la menace de notre temps. Bernard Stiegler a donc repris cette hypothèse, mais en l'actualisant de manière très forte et rigoureuse. Mais aussi de manière très militante, puisqu'en ouverture de cet ouvrage, il dit :

     

    "Cet ouvrage a pour but de fournir des armes conceptuelles et d'ouvrir des perspectives d'action contre les rapides chocs qui sont aujourd'hui engagés en Europe (mais aussi à l'échelle du monde), contre une certaine culture économique, une culture politique qui a fait l'Europe."

      

    C'est donc un livre assez inquiétant - quand même !-, parce qu'en utilisant son propre langage, Bernard Stiegler, nourrit, en tant que philosophe, la philosophie et le regard que l'on doit porter sur le monde. Nouveau langage donc, comme quand il dit : "C'est une crise de désindividuation des appareils psychiques", "Il y a des menaces sur les rétentions tertiaires de transindividuation". 

     

    On a l'impression que Bernard Stiegler fait œuvre. Il dessine un chemin philosophique qui est au carrefour de 3 domaines : 

    une dimension anthropologique où, dans les pas de l'anthropologue André Leroi-Gourhan (1911-1986), il prend en charge la question de la technique, le grand oublié de la philosophie mais qui est au cœur de sa réflexion (Bernard Stiegler). L'Homme est un être de langage, c'est-à-dire de technique. Il est dans l'extériorisation technique de lui-même. Il n'est pas au dedans de lui, il n'est pas son intériorité, il est entré dans ce mouvement d'extériorisation de lui-même. 

     

    une dimension philosophique inspirée, entre autres, de la phénoménologie sur la question de la mémoire, sur la question donc du psychisme humain et son fonctionnement.  

     

    une dimension d'économie politique où, dans les pas d'Herbert Marcuse (1898-1979), il porte une réflexion sur le devenir du désir dans l'économie d'aujourd'hui. Autrement dit, sur la manière dont l'économie aujourd'hui, au sens très large, est devenue une économie du désir avec ses vertus de capter et de canaliser nos désirs.  

     

    Bernard Stiegler mène une réflexion théorique qui a aussi des implications et des retombées pratiques. Il est l'un des rares philosophes à être sollicité par les instances mondiales du web pour leur proposer ses réflexions sur les nouvelles technologies. Il est vrai que, dans ces domaines, Bernard Stiegler est l'un des rares philosophes à prendre en charge ces nouveaux outils avec lesquels, aujourd'hui, ont écrit, communique, on pense. Il a d'ailleurs été à la tête d'une série d'instituts telles que l'Institut de Recherche et d'Innovation (IRI) et l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM). Il est aussi en association pour une politique industrielle technologique de l'esprit. 

     

    Un mot, tout de même, sur son itinéraire, parce que ce n'est pas tous les jours que, dans le monde de la philosophie, on a un itinéraire aussi flamboyant. Son parcours, Bernard Stiegler le raconte dans son livre Passage à l'acte. Son parcours est assez romanesque, voire épique. Il est né dans un milieu modeste, d'un père ingénieur à la télévision et d'une mère employée de banque. Il abandonne plus ou moins les études au tourbillon des années 1968, même s'il se destinait plus ou moins à être assistant réalisateur. Il fait tous les métiers possibles et imaginables : manœuvre, employé de bureau, ouvrier agricole. Puis, il ouvre un bistrot jazz à Toulouse fréquenté par certains philosophes tels que Gérard Granel (1930-2000), traducteur d'Edmund Husserl (1859-1938), en France. Suite à des difficultés économiques dans cette entreprise, il passe à l'acte. Il fait une série de braquages dans des banques pour essayer de maintenir cette entreprise. Cela lui vaut une condamnation à 5 ans de prison. Et ce qui est très remarquable, c'est que pour lui, la prison a été en quelque sorte bénéfique. Il dit : "J'aurais sans doute mal tourné, sans la prison." C'est en effet en prison qu'il a repris ses études, par correspondances, de philosophie. Il a repris contact avec Gérard Granel qui lui a apporté la philosophie en prison. Et dès qu'il est sorti de prison, il prend la route pour entrer à l'École Normale à Paris où une aventure commence avec Jacques Derrida (1930-2004) à qui il a écrit et qui l'a accueilli avec beaucoup d'amitié et de générosité. C'est avec lui qu'il a fait sa thèse sur la technique. Puis, il connaît une série d'aventures au Collège International de Philosophie, à l'Université technologique de Compiègne, à l'IRCAM et, aujourd'hui, à l'Institut de Recherche et d'Innovation au Centre Pompidou.

    S'il fallait dire un mot sur sa thèse philosophique, c'est une thèse sur la technique dont il a réévalué la dimension philosophiquement la dimension dans ce qui fait l'Homme : l'Homme est un être technique, la technique est une extériorisation qui sauve des choses qui seraient perdues sans cela. Bernard Stiegler dit que "la technique est une extériorisation de la mémoire". Dans son livre, Comment combattre la bêtise ?, il reprend le Ménon de Platon, qui est une scène sur la vertu où Ménon oppose à Socrate cette aporie fameuse de recherche de la connaissance ("On ne peut pas rechercher ce que l'on ne connaît pas encore" dit Ménon "parce que si on ne le connaît pas, on ne serait pas capable de le reconnaître quand on tombe dessus et si on le connaît déjà, on ne le rechercherait pas", aporie face à laquelle Socrate répondait, avec sa théorie de la réminiscence, donc avec l'idée qu'en réalité, nous ne découvrons pas les savoirs, mais que ce sont des souvenirs oubliés de notre contemplation), donc contre Platon lui-même, en disant que ce qui est décisif dans cette scène inaugurale de la philosophique - scène de l'esclave qui, selon Platon peut dessiner dans le sable avec un bâton un raisonnement géométrique sans avoir été formé à la géométrie -, c'est l'outil avec lequel l'esclave se sert pour dessiner les figures dans le sable. Autrement dit, l'outil qui a, en quelque sorte, gardé la mémoire, tout le savoir, de l'humanité. À la différence des animaux, l'Homme en tant que fabricateur d'outil, est capable de générer du nouveau et d'incorporer dans ces outils ses pensées nouvelles

     

    On peut donc encore générer du dialogue dans la lecture de Platon. Pour décrire Bernard Stiegler, certains, comme Martin Legros, disent de lui qu'il est "le pharmacien de la philosophie". Pour les Grecs, la technique était un pharmakon, c'est-à-dire à la fois un remède et un poison. Donc, quelque chose qui nous permet de conserver la pensée, mais quelque chose qui est aussi le phénomène à travers lequel nous perdons la parole vive et la pensée vivante qui se matérialisent dans des livres que nous ne lisons plus. Au pharmakon, à ce concept très ancien, Bernard Kiepler a donc donné une actualité très forte pour penser les maux d'aujourd'hui qui sont, aujourd'hui, des maux pharmacologiques au sens où tous nos poisons le produits de nos remèdes et inversement, c'est-à-dire qu'il faut, aujourd'hui, développer une pharmacie, une pharmacologie pour retourner les poisons contre eux-mêmes ou utiliser les remèdes contre les poisons. Bernard Kiepler est donc un philosophe thérapeutique. Pour lui, "la philosophie, c'est prendre soin de notre capacité d'intention, de notre capacité de curiosité, de notre capacité de produire de la vérité". Cette reprise de soin, il la destine en particulier à la jeunesse, car, pour lui, les jeunes sont, aujourd'hui, en péril à cet égard.

     

    ●La première cible : la télévision. Il a écrit un essai assez percutant sur le fait qu'aujourd'hui, des programmes de télévision spécialement conçus pour les enfants en très bas âge et que c'est une manière à travers laquelle le marketing capte l'attention des plus jeunes

     

    ● Autre victime : du fait de la présence des écrans partout, la conversation inter-familiale a chuté de 60% aux États-Unis.  

      

    Bernard Stiegler est donc un médecin qui propose des remèdes contre les empoisonnements qui nous entoure. Il propose aussi des arts, des disciplines d'ordre sanitaire et philosophique. Il est aussi pharmacien au sens où, dans son intervention politique, il est celui qui lève des drapeaux blancs en appelant à une armistice. Il est de ceux qui appellent à mettre fin à la guerre économique qui lève aujourd'hui les peuples les uns contre les autres. Dans cet engagement politique, il a une manière de procéder qui n'est pas du tout la manière classique de procéder du philosophe qui interpelle, qui donne son jugement avec autorité. Non. Bernard Stiegler a, au contraire, une intervention justement plus thérapeutique du pharmacien ou du médecin des âmes.  

     

    Elle influence notre façon d'être @attia_salome 

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